dimanche 10 octobre 2010

Un prix nobel décerné en catalyse, c'est quoi le rapport avec mon pot catalytique ?

Le prix Nobel de chimie vient d’être attribué à 3 chimistes, Prof. Richard F. Heck (Américain, Professeur émérite de l'Université du Delaware), Prof. Ei-Ichi Negishi (Japonais, Professeur de l'Université de Purdue) et Prof. Akira Suzuki (Japonais, Professeur de l'Université d'Hokkaido), pour leurs travaux sur les réactions catalysées par le palladium. Ces réactions ont trouvé de multiples applications dans tous les domaines de la chimie organique et leurs utilisations ont permis l’évolution d’un grand nombre de domaines aussi divers et variés que l’électronique, les matières plastiques ou encore la synthèse de molécules à visée thérapeutique. Cette décision n’est pas une surprise pour l’ensemble des chimistes qui attendaient impatiemment la reconnaissance des travaux sur le palladium. Il était même surprenant que les travaux sur la métathèse soient primés avant les travaux sur le palladium.
En 10 ans, c’est la 3ème fois que le prix Nobel de chimie est attribué à des spécialistes de la catalyse (2001 catalyse énantiosélective, 2005 métathèse et 2010 réactions palladocatalysées). Essayons de comprendre ce qu’est vraiment la catalyse.

La cata... quoi ?

Pour faire simple, la catalyse est une branche de la chimie (essentiellement chimie organique mais pas seulement) qui s’intéresse à l’étude des réactions mettant en jeu un catalyseur. Une espèce chimique est appelée catalyseur lorsqu’elle permet l’accélération ou la faisabilité d’un processus (ou réaction) chimique et que ce composé reste inchangé en fin de réaction. Ce dernier point est très important : si la substance est détruite au cours de la réaction alors ce n’est pas un catalyseur !
Le catalyseur revenant à son état initial en fin de réaction, on peut très bien imaginer le réutiliser pour reproduire la même réaction ou une réaction du même type. Il est donc tout à fait imaginable de recycler les catalyseurs. Il est plus facile de recycler un catalyseur hétérogène qu'un catalyseur homogène. Ces deux termes se réfèrent à la solubilité du catalyseur dans la solution réactionnelle. Un catalyseur hétérogène n'est pas soluble (le poivre dans la soupe) alors que le catalyseur homogène est soluble (le sel dans la soupe). Lorsque les réactions utilisent des catalyseurs hétérogènes, il suffit de le filtrer pour le récupérer.
Mais on peut même faire mieux que cela. Idéalement si l'on place juste quelques traces de ce catalyseur dans une solution alors il permettra à la réaction d'avoir lieu une première fois mais rien ne l’empêchera de le faire une seconde fois, puis une troisième et ainsi de suite jusqu'à ce que tous les réactifs soient intégralement consommés. On parle alors de quantité catalytique. Ainsi nous nous retrouvons avec une espèce chimique qui peut être recyclée et qui idéalement peut être utilisée en très faible quantité afin de produire de nouvelles molécules plus complexes que les réactifs.
Les méthodes récompensées permettent ainsi la formation de liaisons entre les atomes de carbone. Par ailleurs, ces travaux ont permis l’émergence des réactions de couplage catalysées par un très grand nombre de métaux. On utilise aujourd’hui des métaux tels que le cuivre, le fer, le magnésium qui sont beaucoup moins chers et moins polluants que le palladium mais il faut bien garder à l’esprit que rien de cela n’aurait été possible sans les découvertes de ces 3 chimistes. A ce jour, les méthodes au palladium restent les plus fiables et les plus reproductibles même si quelques alternatives commencent à voir le jour.

Le pot catalytique

Une application quotidienne de ce domaine réside dans l'utilisation de pot catalytique dans les voitures. Un des plus grands problèmes du moteur à explosion est qu'il ne permet pas une combustion complète de l'essence. De ce fait certaines quantités d'hydrocarbure et de monoxyde de carbone sont libérées dans l'atmosphère en plus du CO2. Ces pots d'échappement permettent de limiter les rejets de produits d'une combustion incomplète de l'essence. Ainsi en introduisant des métaux tels que le platine, le palladium, et le rhodium (généralement déposés sur une céramique), il est possible de rendre les gaz d'échappement moins nocifs (ne mettez quand même pas votre nez derrière un pot catalytique).
L'utilisation de catalyseur permet non seulement la faisabilité de ces réactions mais aussi de garder le pot pendant plusieurs années puisque les catalyseurs restent inchangés au cours de la réaction chimique. Ainsi votre voiture libère plus de CO2 mais c'est mieux que de libérer du monoxyde de carbone et du monoxyde d'azote dont l'influence sur l'effet de serre est beaucoup plus importante.
En conclusion, les catalyseurs, c'est un peu comme le fouet électrique pour monter les œufs en neige... C'est quand même beaucoup moins fastidieux et beaucoup plus rapide si vous l'utilisez. En plus il est utilisable pour plusieurs types de préparation.

Pour aller plus loin dans la catalyse

- Réactions de couplage de Heck, Negishi, Suzuki. Il en existe beaucoup d'autres utilisant elles aussi du palladium (Kumada, Sonogashira, Stille, etc) cependant le prix Nobel ne peut être attribué qu'à 3 personnes aux maximum. De plus il ne peut être attribué à titre posthume.

samedi 27 mars 2010

Pourquoi ma salade a-t-elle changer de couleur ?


Pourquoi mes fruits et légumes ne gardent-ils pas leurs couleurs d’origines ?
Ne vous êtes-vous jamais demandés pourquoi quand on fait cuire des légumes verts, ils perdent leur couleur au profit d’une teinte marron ? Par exemple on peut citer les épinards qui lors d’une cuisson prolongée deviennent plus foncés. On observe ce même phénomène lorsqu’on laisse de la salade verte avec son assaisonnement trop longtemps.
La couleur de ces aliments étant due à la présence de pigments (chlorophylle pour le vert, carotène pour le rouge/orange et anthocyane pour le rouge/bleu), on peut facilement supposer que des modifications au niveau de ces pigments ont lieu entrainant ainsi une modification de la couleur de l'aliment.
Lors du chauffage des légumes, les parois cellulaires de ces derniers deviennent perméables voire même détruites, il en est de même lorsqu’on les place en présence d’acide comme l’acide acétique présent dans le vinaigre. Ainsi la chlorophylle, responsable de la couleur verte se retrouve en contact avec un grand nombre de composés chimiques dont des acides, principalement des acides aminés qui sont les constituants principaux de nos protéines.

Chlorophylle : du vert au marron
La chlorophylle est une molécule phytosynthétique (synthétisée par les plantes) présentant une caractéristique chimique importante pour sa coloration qui est la présence d’un atome de magnésium. Les chimistes le qualifient d'acide de Lewis (c’est un acide en gros). Comme nous l’avons dit plus haut un grand nombre d’acides sont libérés lors de la cuisson. Ces derniers prennent alors la place du magnésium au centre de la structure (chélation par les atomes d’azote). La perte de cet atome entraine la perte de couleur du fait d’un changement dans la structure de la chlorophylle qui devient de la phéophytine de couleur jaune/marron. C’est ainsi que notre salade devient « noire » ou que les épinards changent de couleur quand on les cuit.

Myrtilles et cerises
Si on continue dans notre étude sur la couleur des légumes, certains d’entre eux changent de couleur en milieu alcalin ou basique (c’est la même chose). Par exemple, lorsque l’on fait cuire une tarte aux myrtilles, ces dernières ont tendance à devenir vertes/bleues. Quant aux cerises, elles deviennent bleues/mauves.
Cette fois, les pigments à l’origine de cette transformation sont les anthocyanes. De la même façon que précédemment par chauffage ou modification du pH, les parois cellulaires sont détruites permettant le contact entre les pigments et le milieu extérieur. En pâtisserie le milieu environnant est généralement légèrement basique par la présence de levure ou de bicarbonate de soude.
Les pigments qui nous intéressent ici possèdent une structure de type cation flavylium (charge positive). Lorsque ce dernier est place en milieu basique, plusieurs modifications au niveau de la structure de cette molécule interviennent, la faisant progressivement passer du rouge (cation flavylium) au vert (forme quinone) puis au jaune (forme chalcone).



Oxydation : avocat, banane, pomme

Enfin un dernier petit exemple, l’avocat devient très vite noir a l’air libre (idem pour une pomme ou une banane). Cette fois-ci, ce n’est pas du à la présence d’acide ou de chauffage puisque cette réaction se produit à l’air libre. Il s’agit en fait d’une réaction d’oxydation par une enzyme et de l’oxygène des tissus végétaux. En effet, lorsque l’on coupe un fruit en deux, on casse toutes les parois cellulaires ainsi les phénols présents à l’intérieur des cellules se retrouvent en présence de la polyphénol oxydase présente à l’extérieur. En présence d’oxygène, cette enzyme transforme alors les phénols en quinone peu stable qui évolue spontanément en mélanine (coloration brune du bronzage par exemple). Et c’est ainsi que la coloration brune apparaît. Ce phénomène est généralement localisé au niveau de la surface qui a été coupée mais peut s’étendre à l’intégralité du fruit au bout d’un certain temps.

Comment préserver leurs couleurs?
Mais tout cela n’explique pas comment conserver la couleur de mes légumes lorsque je les cuisine ? Alors il n’y a pas de solution miracle mais en ce qui concerne les légumes verts une cuisson rapide dans l’eau bouillante ou une cuisson à la vapeur permettra de conserver au maximum la coloration verte. Pour les fruits rouges, ajoutez un peu de jus de citron (contenant de l’acide citrique) à votre préparation, cela empêchera la base de faire effet. Enfin en ce qui concerne l’oxydation, c’est encore une fois le citron qui apporte la solution. En effet, l’acide ascorbique qu’il contient est un réducteur et permet ainsi de réduire les quinones en phénol ainsi il n’y a pas de formation de mélanine et notre pomme garde sa couleur originelle.

Les clefs pour bien comprendre l'article
En chimie, la notion d'acide est indissociable de la notion de base. On parle généralement de couple acido-basique.
En chimie, on différencie deux types de couple acido-basiques :
-selon la définition de Bronsted-Lowry
-selon la définition de Lewis (plus générale, les acides/bases de Bronsted sont tous des acides de Lewis).
Selon Bronsted, les acides sont des espèces chimiques susceptibles de libérer un proton (atome d'hydrogène sous sa forme H+) alors que les bases sont des espèces chimiques susceptible de piéger un proton. Ce qui nous conduit à l'équation suivante :
A- + H+ = AH
A- est une base (réagit avec H+) et AH ou H+ sont des acides.
En ce qui concerne les acides/bases de Lewis (notions plus compliquées que la précédente), ce sont des espèces chimiques qui réagissent avec leurs doublets électroniques ou leurs lacunes électroniques. Les acides de Lewis sont susceptibles d'accepter des électrons alors que les bases sont susceptible d'en fournir.